Résumé
par Lee Lakeman, © 2004
Cette étude envisage la manière d’exprimer plus complètement ce que cela signifie pour l’Association canadienne des centres contre les agressions à caractère sexuel (ACCCACS) de rechercher un meilleur avenir, un avenir féministe pour les femmes, au Canada. Notre réalité actuelle est celle d’un système au sein duquel persiste la répression violente des droits des femmes. Nous recherchons un avenir où il sera rare qu’un homme abuse d’une femme et un avenir où la réaction à cet abus sera rapide et juste. Nous recherchons un avenir où les femmes vivront dans l’autonomie, la paix, la liberté, sans le phénomène imposant de violence faite aux femmes.
L’ACCCACS s’est toujours inquiétée des faibles taux de condamnation et des taux élevés d’attrition dans les cas de violence faite aux femmes. Dans le cadre du projet LIENS de l’ACCCACS, nous avons abordé les questions suivantes : Comment le système fait-il obstacle aux condamnations dans les cas de violence faite aux femmes ? Nous avons demandé dans quelle mesure les procédures et les pratiques du système judiciaire avaient un impact sur les faibles taux de condamnation dans les cas de violence faite aux femmes et quel était le lien entre ces impacts et l’inégalité des femmes. Nous avons recherché et trouvé cent femmes, victimes d’une agression criminelle, désireuses de raconter leur histoire reliée à l’utilisation du système de justice, dans onze sites du Canada. Nous avons ensuite regroupé leurs réponses en relation avec :
  • Les réponses aux urgences
  • Les enquêtes policières
  • Les décisions de l’avocat de la Couronne
  • Les actions des tribunaux
  • La détermination de la peine.
Sur le plan juridique, chacun des 92 cas de poursuites intentées par des femmes ont mérité une condamnation pour au moins un motif. Le système judiciaire n’a cependant condamné les hommes que dans 34 de ces cas.
Nous avons demandé à étudier les politiques et les procédures de fonctionnement utilisés par le système judiciaire dans ces onze sites. Nous avons examiné ces documents sur le plan de la conformité avec l’interprétation de la Charte canadienne des droits et libertés. Ces données ont été collectées et analysées dans les onze sites concernés et encore au bureau national de l’ACCCACS. Les données ont été comparées et ajoutées aux positions internationales promues par le Canada et à la situation actuelle telle qu’elle est entendue par nos travailleuses et les femmes qui ont accès au système judiciaire. Nous avons donc espéré dégager certaines des raisons et des caractéristiques des faibles taux de condamnation et des taux élevés d’attrition dans ces cas de violence faite aux femmes ainsi que d’autres. Et nous avons réussi ce projet.
Nous avons découvert que les obligations envers les femmes du Canada en vertu de la Charte, ne sont pas considérées par les responsables des services d’urgence, ni par la police, et ni par les procureurs de la couronne. La promesse faite aux femmes dans le cadre de la Charte canadienne des droits et libertés est brisée quand il s’agit de femmes se plaignant de violence faite aux femmes.
Nous avons découvert que les femmes qui appellent la police exigent qu’on respecte leur droit à l’égalité et l’obligation du Canada de protéger ce droit. Nous avons observé que les femmes du monde entier dénoncent les mêmes horreurs : la violence commise contre les femmes et la pauvreté. Et la plupart des groupes nationaux de femmes dénoncent la réaction de leur gouvernement. En coalition et conjonction avec d’autres groupes travaillant à l’échelle du Canada ainsi qu’avec des groupes de femmes du monde entier, les femmes déclarent qu’elles sont conscientes du fait qu’elles ont le droit de ne pas tolérer ni la violence faite aux femmes ni la pauvreté. Nous élaborons un ordre du jour international, des mécanismes ainsi qu’un mouvement pour résoudre ces problèmes. Nous nous unissons pour nous plaindre de la violence et de la pauvreté par le biais de la Marche mondiale des femmes, devant les gouvernements nationaux, lors des forums sociaux internationaux, à la Banque mondiale, à l’Organisation mondiale du travail et aux Nations Unies.
Nous avons lu la Charte canadienne des droits et libertés ainsi que les documents internationaux précisant les ententes en matière de droits de la personne, signées par les différents États des Nations Unies. Chacun de ces documents est conçu pour informer les autres. Le Comité de la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes, des Nations Unies, a critiqué le Canada en janvier 2003. Après le rapport que nous lui avons présenté, le Comité a critiqué le Canada de ne pas avoir veillé, en utilisant des mécanismes économiques, à ce que tous les niveaux de gouvernement se conforment aux ententes internationales signées par le Canada. Il a critiqué l’absence de soutien à l’égalité matérielle, y compris l’aide sociale, le financement des cas témoins concernant l’égalité, ainsi que le traitement des femmes autochtones du Canada, la pauvreté des femmes, la politique en matière d’immigration, le traitement des femmes trafiquées. Les Nations Unies ont particulièrement enjoint le gouvernement canadien d’augmenter ses efforts en vue de combattre la violence faite aux femmes et aux filles, et d’augmenter son financement aux centres d’aide et maisons d’hébergement pour femmes, afin de combler les besoins des femmes victimes de violence dans toutes les juridictions gouvernementales.
Nous avons travaillé dans l’espoir d’améliorer le traitement des femmes et des enfants.
Dans ce projet, nous avons relié la restructuration du Canada en matière de programmes sociaux, la fonction et l’effet des centres antiviolence féministes, les femmes qui les utilisent et la Charte canadienne des droits et libertés. Cette nouvelle Charte, ancrée dans la Constitution, promet à toutes les femmes du Canada l’égalité en vertu de la loi et la protection garantie par la loi. Nous avons relié cette promesse à l’expérience vécue des femmes qui s’adressent au système de justice criminelle après un incident de violence sexiste. Pendant cinq ans, nous avons participé au plan local et international à des rencontres, faites part de coalitions et sommes impliquées dans des actions. Nous avons constaté que la mondialisation transforme l’État canadien et modifie la violence faite aux femmes. Nous avons constaté l’indivisibilité promise des droits et donc avons évalué l’impact d’autres questions inséparables reliées à l’égalité des femmes. Nous avons constaté, entre autres, l’augmentation du trafic des femmes, la perte de l’aide sociale accordée aux femmes et le virage accusé par le système de justice criminelle qui, en fait, décriminalise la violence faite aux femmes. Nous avons constaté que les changements apportés au Régime d’assistance publique du Canada (RAPC), au Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (PMSPS) et à l’Entente de cadre d’union sociale, modifient les relations entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Ces changements doivent êtres modifiés pour prévenir l’aggravation de l’érosion observée en matière de promesses d’égalité et de protection contre la violence faite aux femmes canadiennes.
Nous avons espéré encourager des changements en cours de route. Nous avions déjà rendu public dans le document 99 Recommandations au Gouvernement fédéral pour en finir avec la violence faite aux femmes un programme capable de réduire la violence faite aux femmes. Tout au long de ce document et dans le document que vous avez dans les mains, ainsi que pendant la période de cinq ans concernée, nous avons recommandé des lignes directrices en matière de changement de politiques concernant la criminalisation de la violence et l’instauration de l’équité. Nous avions espéré que cela pourrait améliorer l’élaboration de politiques pour la police et la Couronne, au moins en ce qui concerne les agressions contre la conjointe, les agressions à caractère sexuel, le harcèlement criminel, l’engagement de ne pas troubler l’ordre public et la déclaration de culpabilité. Nous savions que nous viendrions à l’aide des femmes battues et violées au sein de la famille, ainsi que celles qui courent un risque au travail et celles qui sont contraintes de recourir à la prostitution. Mais, à la fin de ce projet de cinq ans, nous constatons que la situation est pire en matière de criminalisation pour les femmes qui signalent des cas de violence.
Ce projet a également été conçu pour aider les centres contre les agressions à caractère sexuel, dont un grand nombre existent dans leur communauté depuis plusieurs années, recevant peu ou pas de subventions du gouvernement fédéral. Ceci en dépit des fonds de lancement accordé au cours des années 1970 lorsque ces centres étaient considérés comme étant d’une importance vitale pour l’avancement des droits de l’égalité des femmes. L’utilité de ces centres et la demande enregistrée est évidente. Nous n’avons qu’à constater le nombre de femmes qui appellent chaque année, le nombre de celles qui veulent s’impliquer dans le mouvement féministe et qui désirent recevoir des informations concernant la législation et leurs droits. Nous avons découvert que la participation des défenseuses indépendantes des droits féministes, dans les cas de poursuites judiciaires, augmentait la probabilité d’une condamnation. À la fin de ce projet de cinq ans, les centres contre les agressions à caractère sexuel et les maisons d’hébergement ont moins d’accès aux subventions fédérales qu’il y a cinq ans. Le projet LIENS de l’ACCCACS a renouvelé l’engagement de la part des féministes canadiennes à insister sur la nécessité d’obtenir un soutien politique et économique aux centres de femmes, aux maisons d’hébergement et aux centres contre les agressions à caractère sexuel. Nous voilà donc avec les meilleurs outils à la disposition des femmes pour diminuer leur isolement et leur vulnérabilité à la violence faite aux femmes, ainsi que pour augmenter les condamnations qui criminalisent cette violence.