septembre 2002, Marie Drouin, Regroupement Québécois des CALACS
« La rue, la nuit, femmes sans peur » « Quand une femme dit non, c’est non » « Take back the night » « Dans la jungle des rues, les femmes rugissent » « No means no », scandent les femmes depuis plus de vingt ans dans les rues de nombreuses villes et villages d’Amérique et d’Europe le troisième vendredi de septembre. Elles marquent La journée d’action contre la violence faite aux femmes.
Cette manifestation a pris naissance en 1978 alors que les femmes américaines manifestaient contre la pornographie dans les rues de San Francisco. En 1981, le Regroupement québécois des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) reprend l’initiative au Québec, de concert avec les associations canadiennes et américaines contre le viol. Des femmes de tout le continent manifestent depuis ce temps contre la violence sexuelle faite aux femmes, dénonçant le fait que les femmes doivent encore et toujours devoir vivre une vie de contournement, craignant les agressions. Par exemple, seulement à Montréal, 60% des Montréalaises disent avoir peur de sortir seules le soir pour faire une promenade dans leur quartier, versus 15% des hommes (Sécurité des femmes et transport commun à Montréal, juin 2001).
Suite à ces manifestations, plusieurs groupes de femmes du Québec ont mis sur pied des comités locaux et régionaux en concertation avec les villes, les services policiers ainsi que les sociétés de transport afin de modifier le paysage rural et urbain et ainsi répondre aux préoccupations de sécurité des femmes. Ce qui a eu pour impact de transformer certains lieux par exemple en ajoutant de l’éclairage et en améliorant la visibilité sur les sites.
Tous ces projets sont importants. Toutefois les femmes refusent l’obligation de toujours devoir planifier leurs déplacements pour éviter les lieux isolés et mal éclairés, surveiller leur habillement pour ne pas être accusées de provocation, ne pas quitter des yeux leurs consommation dans un bar par crainte des drogues qu’on peut y glisser, se méfier de tous et de tout. D’autant que 70% des agressions sexuelles sont commises par une personne connue de la victime et non par un étranger dans une ruelle sombre (-Presses de la santé 1999-).
Ce sont encore et toujours les femmes (victimes potentielles) qui travaillent à la prévention des agressions sexuelles. Et ce sont aussi les femmes qu’on tient responsables d’empêcher que surviennent les agressions ! Examinons les messages sociaux à propos des agressions sexuelles, particulièrement ceux diffusés par le Gouvernement québécois, qui ciblent les jeunes et s’inscrivent dans une campagne large public » Parler c’est grandir » dont un des thèmes est l’agression sexuelle. Toutes les publicités portent sur la nécessité de dévoiler tout geste à connotation sexuelle à notre entourage dans le but d’éviter que d’autres agressions se produisent. La prévention est encore axée sur la victime. Si on compare avec la campagne de sensibilisation faite autour de l’alcool au volant, on se rend compte que, dans cette dernière, la personne visée n’est pas la victime, mais celui (ou celle) dont le comportement est nuisible, la personne qui a surconsommé et blessé ou tué. Qui plus est, dans la lutte contre l’alcool au volant, on fait aussi campagne auprès des proches du délinquant afin que ces derniers prennent clairement position sur le caractère inacceptable de l’alcool au volant. On répète également qu’il s’agit d’un geste criminel .
À quand une campagne qui dénoncera les agresseurs sexuels et qui sensibilisera la population à prendre clairement position contre les agressions sexuelles ? Tant que nous ne remettrons pas à l’agresseur l’entière responsabilité de l’agression et que la population ainsi que les autorités gouvernementales, médicales et sociales ne prendront pas clairement et quotidiennement position contre les agressions à caractère sexuel, il y a fort à parier que ce sont encore les femmes qui porteront non seulement les conséquences des agressions sexuelles, mais également la responsabilité d’avoir été agressées et celle de la prévention pour que ces agressions ne se reproduisent plus.
Nous voulons que cessent les agressions sexuelles comme nous voulons qu’il n’y ait plus d’alcool au volant. Pour ce faire, il n’y a qu’une chose à faire, dénoncer les vrais responsables et se solidariser avec les victimes.
Cette année les 30 centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel manifesteront encore le troisième vendredi de septembre. Les CALACS tiendront leurs activités le 20 septembre 2002 dans chacune des régions du Québec. Il y aura alors distribution de contraventions de sensibilisation auprès de la population ainsi que plusieurs autres activités. Il est important pour nous d’avoir l’appui de la population dans la lutte contre les agressions à caractère sexuel. En effet, c’est de la pression populaire que viennent les modifications les plus fondamentales quand il est question des droits des individu-e-s. Nous vous invitons donc à communiquer avec nous au numéro 514-529-5252 afin de connaître les coordonnées du CALACS le plus près de chez vous.
septembre 2002
Source: Marie Drouin
Regroupement Québécois des CALACS